L'école au delà de l'éducation

L'essai suivant provient de «Une éducation significative en période d'incertitude», un recueil d'essais du Center for Universal Education et des meilleurs leaders d'opinion dans les domaines de l'apprentissage, de l'innovation et de la technologie.
Peu de cas démontrent plus efficacement la nécessité d'impliquer les parents et les communautés dans le système éducatif que l'éducation des filles. Dans des contextes où plus de 80% des parents s'attendent à ce que leurs filles deviennent des femmes au foyer ou quoi que leurs futurs beaux-parents souhaitent, l'engagement des parents et des communautés et le respect des normes sociétales profondément ancrées ont été essentiels pour atteindre l'objectif du Millénaire pour le développement d'augmenter l'accès à l'éducation pour tous les enfants.
Comme l'écrit Urvashi Sahni, fondatrice et directrice de la Study Hall Foundation qui gère l'école Prerna, pour les filles issues de milieux économiquement pauvres à Lucknow, en Inde, les enseignants deviennent de solides défenseurs des droits des filles auprès de la communauté des parents. Ils ne laissent aucune possibilité d'éduquer la communauté des parents sur les droits des filles. » Sur la base de son expérience avec Prerna, Sahni recommande que les écoles traitent de front les barrières sociales; les enseignants doivent souvent jouer un rôle de militante et intervenir lorsque les filles ne vont pas à l'école, conseiller les parents et obtenir le soutien des ONG locales.
Impliquer les parents dans le système scolaire
Alors que la politique mondiale de l'éducation a pris conscience de la nécessité d'impliquer les parents et les communautés, les pays ont réagi en créant divers mécanismes institutionnels habilitants. À la suite d'exemples mondiaux de gestion décentralisée en milieu scolaire grâce à l'autonomisation des parents et des communautés, la loi indienne sur le droit à l'éducation (2009) cherche à intégrer tous les enfants dans le système scolaire et impose la création de comités de gestion scolaire (SMC) dans toutes les écoles publiques. Les SMC sont chargés de surveiller le fonctionnement de l'école, de superviser l'utilisation des subventions, d'augmenter les inscriptions et la rétention, et de créer des plans de développement scolaire pour l'amélioration des infrastructures scolaires. Un accent similaire a été mis sur l'organisation de réunions parents-enseignants (PTM) à intervalles fréquents, avec pour objectif d'augmenter la participation des parents à ces réunions.
Cependant, ces mécanismes institutionnels sont confrontés à des contraintes importantes qui les empêchent d'être efficaces. Une analyse des SMC par le Center for Budget and Policy Studies dans cinq États indiens a révélé que les membres des SMC ignoraient en grande partie leurs rôles et pouvoirs. De plus, seulement 20% environ des membres avaient reçu une formation, et même la majorité des personnes formées ont jugé la formation inefficace. À travers le pays, la formation et le renforcement des capacités des SMC ont été inadéquats, avec un suivi et un soutien limités.
Des études du monde entier constatent que les lacunes en matière d'information entre les parents et les organismes comme les SMC les empêchent de jouer le rôle auquel ils sont destinés. Les parents, en particulier ceux des apprenants de première génération, ne sont pas conscients de leur rôle pour assurer une scolarisation efficace, et les informations sur les résultats d'apprentissage et les besoins de leurs enfants sont rarement communiquées de manière à pouvoir comprendre ou répondre. Cela rend les forums tels que les exercices de PTM en futilité. Comme l'écrit Prachi Windlass de la Fondation Michael et Susan Dell, ce manque d'information finit par faire taire les parents et les empêche d'être les agents influents du changement qu'ils peuvent être.
De nouvelles solutions et données axées sur la technologie offrent des moyens de tenir les parents informés. Cependant, le problème n'est pas l'accès à l'information - c'est l'incapacité et le manque de capacité pour l'utiliser efficacement. Pour que les parents soient des utilisateurs actifs des données, il est essentiel qu'ils ne reçoivent pas d'informations de manière descendante, mais soient plutôt des agents dans leur collecte et leur authentification. Un exemple de modèle est l'expérience de Pratham's Village Report Cards, où des bulletins ont été créés au niveau du hameau avec une large participation locale. Leur implication dans le processus de collecte de données a été suivie de discussions lors des réunions de village et a finalement conduit à une action communautaire grâce à un engagement actif avec le système scolaire.
Il n'y a pas de solution miracle, cependant, et bien que les mécanismes institutionnels susmentionnés fournissent un bon point de départ pour comprendre les contraintes auxquelles les parents et les communautés sont confrontées pour être des agents efficaces de changement dans le système scolaire, il est également crucial de reconnaître que ceux-ci ne sont en aucun cas les balles d'argent pour répondre au besoin d'engagement des parents et de la communauté.
Insuffisance des mécanismes institutionnels existants
Les mécanismes institutionnels susmentionnés ne peuvent être aussi efficaces que l'autonomie dont ils disposent et le changement qu'ils peuvent influencer. Alors que sur le papier, les SMC en Inde sont responsables du contrôle de l'utilisation des subventions scolaires et de la création de plans de développement scolaire, en réalité, ils se sont révélés avoir le pouvoir discrétionnaire de dépenser moins de 2% du montant total que les écoles reçoivent au cours d'une année.
La Banque mondiale, qui étudie les systèmes scolaires à travers l'Asie du Sud, constate que les décisions - allant du recrutement et de la formation des enseignants aux programmes et manuels - qui pourraient avoir un impact sur la qualité des écoles relèvent rarement de la compétence des écoles elles-mêmes. Avec des entités allouant des ressources et prenant des décisions à un niveau beaucoup plus élevé que le système scolaire, les SMC sont finalement édentés pour assurer l'efficacité des enseignants et d'autres ressources au niveau de l'école. Pour que la gestion des écoles se déroule de manière décentralisée, il ne suffit pas de se concentrer uniquement sur la demande. L'offre, les écoles, doit avoir la capacité de répondre à cette demande, et à moins que les structures de gouvernance ne soient réformées, toutes les mesures qui prétendent autonomiser les communautés et les parents resteront symboliques.
Il est essentiel que nous étudions également comment ces mécanismes institutionnels autonomisent réellement les parents et les communautés. Des organismes tels que les SMC et les APE doivent faire face à des défis profonds, reflétant comme ils le font les plus grandes hiérarchies et structures de la société. Il existe des preuves accablantes en Afrique et en Asie du Sud qui montrent comment les antécédents socioéconomiques et culturels des familles les positionnent à différents niveaux et leur permettent de profiter du système éducatif pour leurs propres intérêts et avantages. Ces forums sont capturés par les élites locales et sont soumis aux plus grandes inégalités sociales, économiques, raciales et de genre dans la société.
Dans le même ordre d'idées, l'enquête CBPS constate que, même si les couches marginalisées et les plus faibles de la société étaient représentées dans les SMC, leur présence ne s'est pas traduite par une participation active et qu'il y avait une dynamique de pouvoir visible entre les hommes et les femmes, en raison de laquelle les femmes n'ont pas pu participer efficacement.
Tous ces facteurs, couplés à un modèle de formation en cascade qui ne parvient pas à être conscient de l'hétérogénéité des SMC ou de la communauté parentale en général, les empêchent d'être véritablement participatifs. Loin de réaliser l'objectif de développement durable d'assurer une éducation inclusive et équitable, cela finit par perpétuer les inégalités d'accès à une éducation de qualité. Nous avons fait des progrès rapides dans l'utilisation de données granulaires pour éclairer les campagnes politiques et identifier et cibler les programmes sociaux - cette infrastructure peut également être mise à profit pour une formation, des communications et des messages ciblés afin de répondre aux préoccupations et contraintes spécifiques des parents issus de divers milieux socioéconomiques et culturels.
À un niveau beaucoup plus fondamental, cependant, nous devons recadrer la conversation plus large sur l'engagement parental. Trop souvent, les parents et les communautés sont considérés comme des régulateurs ou des chiens de garde du système scolaire. Un tel cadrage favorise rarement les interactions constructives entre les écoles et les parents et, en fait, réduit la motivation des enseignants et des chefs d'établissement à promouvoir l'engagement des parents.
La recherche révèle que pour que l'engagement des parents soit efficace, les parents et le système scolaire doivent se considérer comme des partenaires. Ils doivent également partager une relation de respect mutuel, de confiance et être liés par une unité d'objectifs. Il est également prouvé qu'une participation accrue dans les écoles permet aux parents de développer une attitude plus positive envers les enseignants. Il est essentiel que ces preuves soient largement diffusées et que les écoles et les enseignants soient activement formés - et rappelés à leurs propres incitations - à engager les parents.
Mobiliser les parents au-delà du système scolaire »
Alors que nous considérons les parents comme des partenaires du système éducatif, il est également important d'élargir notre conversation, de la manière dont les parents peuvent s'engager dans le système scolaire », à la façon dont ils peuvent s'engager dans l'apprentissage et l'éducation de leurs enfants.
Bien que nous ayons amélioré l'accès à l'éducation formelle au cours des deux dernières décennies, nous avons également commencé à supposer que l'éducation ne se déroule que dans l'enceinte d'une école. Les SMC et les PTA servent de véhicules qui permettent un engagement avec le système scolaire, mais ne devraient pas cannibaliser les conversations sur l'engagement des parents d'élèves de manière plus large et plus complète.
Il est essentiel de revenir aux principes de base et d'intégrer la conversation sur l'apprentissage et les résultats scolaires des enfants dans les facteurs socioéconomiques fondamentaux auxquels ils sont exposés à la maison et dans leurs communautés. Une étude a révélé que le retard de croissance et les niveaux de pauvreté de la petite enfance ont un impact sur les capacités cognitives et les résultats scolaires des enfants, ce qui les rend peu scolarisés. En conséquence, les auteurs estiment que plus de 200 millions d'enfants de moins de 5 ans sont incapables de réaliser leur potentiel de développement.
Il est donc impératif que nous nous adressions aux parents et aux communautés de manière plus globale, sachant que la politique éducative ne peut fonctionner indépendamment de la politique sociale. Dans cette optique, le programme brésilien de soutien au développement de la petite enfance - fondé sur la conviction que le rôle des parents est le principal déterminant du développement de l'enfant »- rassemble les départements de l'éducation, de la santé et du développement social pour coordonner les visites à domicile des parents, afin de promouvoir le développement complet des enfants.
Pour préparer les enfants à devenir des citoyens prospères au 21e siècle, il est urgent de mettre l'accent sur un ensemble plus large de compétences et de trouver des moyens de dépasser les innovations éducatives. Le rapport sur l'avenir des emplois du Forum économique mondial énumère des compétences telles que la résolution de problèmes, la créativité, la pensée critique et la capacité de coordonner et de travailler avec les autres, parmi les 10 compétences les plus demandées pour l'avenir. Le Center for Universal Education de Brookings a examiné les énoncés de mission et les priorités éducatives d'une centaine de pays et a constaté que plus de 86% mettaient l'accent sur les compétences du 21e siècle telles que la communication, la résolution de problèmes et la collaboration.
Lorsque nous pensons à l'éducation uniquement en termes de compétences en littératie et en numératie, nous érigeons inévitablement des barrières qui empêchent les parents qui ne peuvent pas contribuer dans ces domaines, créent une relation hiérarchique entre l'enseignant et le parent et renforcent les inégalités socioéconomiques entre les parents qui ont des capacités différentes en raison de leurs antécédents.
Le nouvel accent mis sur un ensemble plus large de compétences offre une occasion précieuse de redéfinir ces relations, de reconnaître que l'apprentissage peut se produire n'importe où et que l'enseignant est loin d'être la seule personne qui peut permettre aux enfants de cultiver les compétences dont ils ont besoin pour être des citoyens actifs dans un contexte de changement. monde. Des compétences comme la collaboration et la communication, la créativité et la résolution de problèmes sont loin de relever du seul système scolaire - elles peuvent bien être enseignées en théorie dans les salles de classe, mais doivent être pratiquées et perfectionnées à la maison et dans la société. Les enfants ont besoin de plus de temps et d'espace pour apprendre, et à moins que nous habilitons et formions plus d'agents en dehors du système scolaire à servir de mentors et de guides, nous ne parviendrons pas à fournir aux élèves les compétences dont ils ont besoin pour réussir.
En fin de compte, le jury est toujours absent, avec des évaluations dans le monde entier donnant des résultats différents, sur la question de savoir si la participation des parents et de la communauté dans les écoles conduit à une augmentation des résultats d'apprentissage. Mais nous devons être raisonnablement convaincus que les parents ont un rôle unique dans l'éducation de leurs enfants - en tant que consommateurs et fournisseurs. De plus, alors que nous concevons des mécanismes pour traduire l'accent politique mis sur les compétences du 21e siècle en changements réels sur le terrain, un nouveau partenariat parents-enseignants pourrait bien être l'opportunité de saut que nous recherchions.